Le TARAKAN

Le Tarakan était encore en train de ronfler à côté d’elle ! Zut cet animal avait beau être un produit de laboratoire, il n’était pas exempt de défauts ! Un peu de silence l’aurait aidé à mieux apprécier sa vie de bohème ! Sayaka était restée trop longtemps sous l’eau et une sensation terrible de suffocation l’étreignait, tandis qu’elle s’était hissée dans son embarcation son panier à la main. Cette oppression dura un long moment, alors qu’elle était allongée sur le pont. Enfin, une douce chaleur envahit son frêle corps nu. Des rayons du soleil effleuraient sa peau mouillée étincelante. Elle reprit des forces et respira normalement. Elle se prit à rêver d’évasion, avec l’envie de partir pour la Lune rejoindre sa grande sœur.

Sayaka songea, en le regardant endormi, qu’élever un Tarakan pour lui tenir compagnie était peut-être la plus mauvaise idée qu’elle ait eue de sa vie de solitaire. Elle s’amusa de son apparence de grosse saucisse brillante, de phoque, dont il avait été le modèle génétique à l’origine. Elle avait choisi son nom à cause des changements cutanés dont il était décoré, luisants et fascinants comme celui des pieuvres qu’elle croisait parfois. Ah, on peut dire qu’ils avaient bien travaillé dans les labos à Tokyo ! Sans croire vraiment à ce qu’elle était en train d’imaginer : le jeter par-dessus bord et ne plus y penser. Trop tard, elle y était attachée. Et puis, il fallait bien bosser.

Galvanisée, Sayaka se leva brutalement et lui donna un petit coup de pied affectueux, suivi d’une claque sadique sur le flanc sachant l’impossibilité de le faire souffrir.

—     Eh ! Tarakan! Réveille-toi ! Tu dois faire ta part du boulot ! J’ai remonté assez de crabes !

 

Tarakan réagit aussitôt, sa trompe plongea dans le grand bac plastifié, et aspira les crabes. La petite Sayaka entendit alors le bruissement discret du broyage des carapaces, pendant qu’il avalait tout le contenu du bac.

Derrière le Tarakan, elle alluma son couteau électrique, puis elle découpa rapidement en petits tronçons l’interminable chapelet que Tarakan produisait à l’arrière, à grande vitesse, sous ses deux petites nageoires plates. Moins d’une heure après, grâce à sa dextérité et à sa complicité avec son compagnon, tout était terminé.

Elle fit alors une pause et goûta les yeux affamés la tarte à la rhubarbe de sa tante Yati.

 Sûr ! Elle était bien meilleure que la production de Surimi de son Tarakan!

 

Pierre Rossignol

30-06-2017