La montagne enneigée,

par Florence LOUIS

 

Atelier sur l’Éloge de la lenteur, « une action anormalement lente et heureuse », 21 avril 2015

 

                Nous avions grimpé lestement cette montagne d’un autre temps, qui surplombe d’un côté le Tarn, de l’autre la Jonte.  « Portés par la grâce : ! » avait dit Marie-Laure, et nous l’avions suivie. Le passage se faisait entre deux rochers, gardiens d’une forêt préservée. Car tout en haut s’ouvrait ce que les humains avaient décidé de nommer « une réserve biologique intégrale », un territoire où s’arrête l’action humaine, où, hormis quelques sentiers déblayés, tout est laissé aux bons soins de la Nature.

Nous nous sommes regroupés à l’entrée, puis avons pénétré, un à un, dans le sanctuaire. C’est à ce moment précis qu’une neige délicate a choisi de tomber, de glisser plutôt sur l’air jusqu’à recouvrir le sol d’un duvet blanc, au fur et à mesure que nous avancions. Les flocons s’amoncelaient doucement, leur chute lente semblait une féerie.

Chacun a repéré un coin où s’asseoir, qui une souche, qui un rocher. Pour ma part je m’installai sur un gros caillou plat au pied d’un petit arbre. Et, ainsi posée, je reçus cette minutieuse pluie qui recouvrait, millimètre par millimètre toute la surface de la forêt. Enneigée comme le reste j’appréciais ce temps ralenti qui résonnait dans l’infini d’un profond silence. Les flocons ne font pas de bruit, pensai-je, observant une petite araignée qui vagabondait sur sa toile. Le léger mouvement du vivant s’écoulait depuis des siècles et nous pouvions nous aussi, brusques humains aux gestes saccadés, interrompre notre course folle pour reprendre le rythme d’une nature sans histoire.

Une chouette se mit à hululer, par deux fois. C’était Marie-laure qui rappelait ses ouailles. Chacun prit congé de son coin de verdure, franchement enneigé maintenant. Je saluais, émue, l’araignée, sa toile, et le petit arbre, les remerciant de m’avoir confié un peu de leur temps, de m’avoir fait goûter quelque temps la saveur de l’éternité.