Le 21/07/2015

Consigne : Imaginer un lieu où s'organiserait notre atelier d'écriture pendant une semaine.

 

 

La ville sans Nom

 

par Charango

 



   C'est une ville donc, enfin pas exactement une ville : ses bords sont flous. La nature s'y entremêle à l'habitat dans un capharnaüm de sentes, de lianes, d'arbres majestueux, de racines multiséculaires. Elle est transpercée par un torrent qui serpente entre les façades de terre des habitations des hommes. Cette ville, nous ne la nommerons pas. D'ailleurs, son nom ne nous a pas été révélé. Aucune route ou autoroute ne la relie au reste du monde. Elle vit sa vie autarcique très loin dans la forêt montagneuse, au milieu des brumes et des cris intenses des singes, des cacatoès, des animaux sauvages et domestiques qui vivent là. Les animaux donc vivent auprès des hommes dans un empire forestier rongé par le mal de l'envie et de la jalousie, les deux forces irréductibles qui demandent aux destinées des sociétés humaines.

Viens voir la cruauté et la magnificence d'une entité préservée, qui n'a couronné, adoré, mémorisé que ce qui venait de l'oralité. Ici, nul ne connaît ni ne reconnaît l'écriture. Ainsi, sur cette réalité droite de l'ignorance de la voix intérieure du lecteur et du dégoût de soi qui est le fait de l'écrivain, nous paraissons dans cet univers suspicieux, plein de mouchards, de coupeurs de mains, de bouchers qui ont tué toutes les viandes avec nos cahiers, nos stylos et en nous extasiant d'un vol d'oiseaux multicolores ou d'un paysage imprenable sur les hauts de la cité.

Hérésie ! Deux jours ont passé que nos écrits enluminés d'abîmes hallucinés, de plaisirs dignes des septièmes ciels nous sont confisqués. Les hommes regardent les pages qui ne leur disent rien. Nous voilà condamnés.